“Sinistre moisson” et ” la queue” : deux nouveaux poèmes de Fatima Maaouia – poète tuniso-algérienne –Tunis

Fatima Maaouia

Pauvre canasson,
Fringant et libre comme le vent
Avant

Avec son Émir, d’alors
Tronc or ardent
Fier guerrier,
Porteur, aube, matin et printemps
Burnous honneur flamboyant
Dont parlent encore …
Plaines et monts

Duo de feu fulgurant
Élan
A l’horizon
Flambeau frémissant
Défiant tempêtes, vents
Tourments et néant béant
Forçant la porte du temps
A s’ouvrir en grand

Destrier volcan impétueux
Sans lacet, Guerrier fameux,
Émir lumineux
Étriers or et argent
Flammes enlacée d’avant …
Pour aller de l’avant !

Ils brisaient le mur
Du son

Grinçant et gémissant de tout son sang
Réduit à des points de suspension
Sang pour sang…SANS
Vidé de son sang

Délesté de ses éléments clés
Transformés en glaçons
Il est la risée des nations

Pauvres garçons
Étoiles Émotion

Sans avenir
Ni vrai Émir

Livrés au pire

Ligotés à quai
Avec ces poisons :
Générale commotion
Qui mènent la pression

Et l’on s’étonne en plus
En la maison
D’avoir perdu la raison, la direction
Le sens et la saison

Ho, hisse !
Le précipice ça se tisse !

Holà ! Manants !

Même si on est riche…
Avant

Lorsque pas à pas
Troquant allègrement
Luttes et grands combats
On a fermé la porte aux bons vents
Au bon moment

Lapidé les amants du changement

Brillants et sages émirs, destriers et bataillons de guerriers
En fioles
Sous bâillon
Ou en haillons

Enterré toutes fleurs,
Qui affleurent
Clé de sol
D’aujourd’hui et d’avant
Aimant et aliment
Limon Vivant
Qui ont fait école…

Quand, oubliant les serments
On ne cesse de se tromper d’ailes et de soleil
Pour s’agripper à la mauvaise treille
Souvent
Avec l’aide internationale

Pour enfourcher comme cheval de bataille
Fausses idoles, barbiche- hélice
Djellabas, leurre, burka délices
Torchon volant préjudices, boussole
Factice

C’est qu’on n’a rien dans le caleçon
Et perdu l’humus… de toute façon

 

La queue

J’ai vu, dans les chaines
En attendant Noël
J’ai vu à l’entrée des femmes avisées,
S’épiler en un clin d’œil
Au citron et au miel
Faire la vaisselle
Torcher et allaiter un bébé
Éplucher à la pelle
Leur légumes pour le dîner et écosser
De plus en plus petits …
Des petits pois
Estampillés FMI
A froid

J’ai vu, les murs tomber à la renverse
Recevant sans crier gare sur la tronche
Comme une offense
Brûlante au front
Le nom
L âge,
Le téléphone et la date de naissance
D’une bonne femme ou d’un bonhomme
Qui n’en menaient pas large

J’ai vu, transformés en tickets
Et jetés en séries à la poubelle
Des hommes et des femmes avec leurs petits
Saisir l’opportunité
En attendant d’être servis
D’aller vite fait, consulter
Leur psy, faire les courses, payer loyer
Et revenir dare-dare
Faire la queue comme si de rien n’était
Tout un art !

J’ai vu des amitiés se tisser
Des contacts se nouer
Des gorges nouées
Des joues cramoisies
Des gens se pousser
Des cris pousser
Des mains repoussées
Des gars détroussés
Des malades tousser
Des fonctionnaires en colère
Des yeux hors d’orbite
Des voix qui aboient et crépitent
Des regards baissés
Des êtres aux aguets fatigués
De faire le guet
De la dépression et de l’électricité dans l’air
Des plombs et des béquilles sauter
Des réseaux tombés poussières

J’ai vu des rendez-vous ratés
Des femmes du côté de l’obscurité
Tricoter
Des jambes divorcées
Des dents grincer
Des regards flotter
Des os grelotter
Le carrelage froid suinter

J’ai vu aussi
Vu de mes yeux
A la queue leu leu
Dans la queue qui avait de l’avenir
Des jeunes sans avenir
Que personne ne prenait au sérieux
Devenir
A la queue leu leu …Vieux

J’ai vu
Dans les kilomètres de queue
Des queues, sans tête ni queue
Se mordant la queue,
Et revenir à qui mieux mieux grossir la queue

Et, joignant l’utile à l’agréable,
Jeunes ou vieux
Échangeant regards, pas désagréables
Soupirs, vœux
“J’aime”, bagues, rire, blagues, air-bag,
Gemmes, gags
J’ai vu, alors, en fermant les yeux
Tant la fleur de leurs yeux était bleue
J’ai vu
Le départ de mille feux !
Des couples se rencontrer…
Et se jeter à l’eau
Pour un départ nouveau
Vers d’autres chaînes et queues

La Fatiha à peine récitée
J’ai même vu cet été
Des enfants en chaîne
Naître à la vie
Prendre leur ticket

Et les femmes avisées
Qui s’épilaient en un clin d’œil
Au citron et au miel
Enfin servies, arborer à la sortie
Pour plus de visibilité
Moustaches et sourcils des plus drus et épais…

 

 

Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'une étoile *

*