D’un vague dégoût de la traitante humaine par : Patrick Berta Forgas – poète français

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Patrick Berta Forgas

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Il y a des corps qui meurent.

Il y a des eaux jetées
Des frontières du désert.

Les continents confrontent leurs canaux.

Comme les hommes
S’imaginent les mers,
Aux dimensions de leur taille.

Petites plaies,
Entailles qui s’infectent.

La planète connait ses sangs.

Nous ne marcherons plus longtemps.

Le chemin a ses propres mots,
De ceux qui se taisent
Pour se perdre.

Comment s’éteignent les siècles
Et le silence des pouvoirs …

Comment s’achèvent les nuits
Quand s’embrume le cœur.

Nous aurons tous le visage de la peur.

Nous sommes les complices
De ce que l’on nous allons devenir.

Souvenir et soupçon
Aux bancs des consciences.

Folie des foules
Dans l’égarement de la fuite.

Frontières infertiles
En faveur de la force.

Ponts et rivières,
Redestination
La mer.

Et la furie qui roule
Aux sables des plages
Ensanglantées.

La fable pleure
Les rêves
Sur les pierres
Bâties des rivages…

Quand s’ennuient les guerres,
L’avenir s’apprend à respirer
De sombres jours.

© Patrick Berta Forgas & N.A.D.A. octobre 2016
Crédit photo : Croix Rouge Italienne le 18 août 2016.

Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor :

 

Il y  a toujours deux personnalités qui s’expriment dans la poésie de Patrick Berta Forgas   :l’une est celle du penseur qui émet une vision constante ,inchangeable dans chaque poème et l’autre est celle du poète qui s’inspire du moment présent .Et le résultat de ces deux activités parallèles : intellectuelle et émotionnelle  est la génération d’un arrière-fond de type philosophique personnel qui constitue le fonds de la pensée de l’auteur et en même temps l’expression d’une attitude à l’égard d’un sujet particulier.

Dans ce nouveau poème, par exemple,l’auteur  nous met dans la même ambiance tragique qu’il a l’habitude de créer dans la plupart de ses textes et qui englobe toute l’épopée humaine depuis  ses débuts sur terre jusqu’à nos jours (Les continents – La planète-  les hommes… ) .Et les composantes  saillantes de cette tragédie sont ,en premier lieu, l’être humain lui-même qui a ici toutes les caractéristiques d’un personnage principal lunaire dont surtout  l’absence totale de volonté (  Le chemin a ses propres mots,/ De ceux qui se taisent/Pour se perdre – Folie des foules/Dans l’égarement de la fuite ) et la soumission totale, d’un côté, au dictat de l’instinct animal et agressif qui l’habite  (En faveur de la force – s’embrume le cœur) et de l’autre à un destin aveugle qui le guide vers sa perte (Nous ne marcherons plus longtemps ). Une autre composante de la tragédie est mise en évidence aussi dans ce poème, c’est l’autodestruction à laquelle l’Homme s’adonne,  en menant ,depuis son apparition sur terre, une série interminable de guerres contre sa propre espèce (la furie qui roule/Aux sables des plages), ce qui a eu  pour effet de placer le monde dans une situation de tension permanente (La planète connait ses sangs  – Quand s’ennuient les guerres,/L’avenir s’apprend à respirer/ De sombres jours. ).

Cette tragédie s’est traduite au niveau lexical par la distribution de  la plupart des vocables utilisés sur deux  isotopies : l’atmosphère catastrophique qui règne dans  le monde  et la faiblesse criarde de l’être humain qui est incapable de mettre fin à la tragédie qu’il vit .

Mais dans ce tableau général terrifiant s’incruste le sujet particulier que le poète aborde à l’occasion de l’écriture de ce poème (D’un vague dégoût de la traitante humaine )  et auquel se rapportent une troisième isotopie composée de mots relatifs aux eaux ( mer-océan – vague- continent- rivière- ponts – plage-rivage ) .Et cet agrégat de mots  laisse supposer que le noyau sémantique profond ici serait le problème actuel des passagers clandestins fuyant leur pays vers l’Europe  à cause des guerres qui sévissent dans leur pays lequel fait l’objet de spéculations entre les grandes puissances pour marquer des buts politiques sous l’apparence de préoccupations d’ordre humanitaire.

Stylistiquement, le point fort  de ce poème et tous ceux du même auteur réside premièrement dans sa capacité de générer d’un même thème un nombre illimité d’images réellement nouvelles comme nous le voyons presque dans chaque  vers, ensuite  sa tendance constante à privilégier les connotations aux sens lexicaux dénotatifs . .

 

Un commentaire

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    Bonjour Patrick,

    Ce sont mes yeux, qui vous ont lu. Mais votre cri-pème je l’ai entendu, jusqu’au plus profond de moi-même. ans la nuit passée, la violence était là tout prés de là où je vis. Ce n’est pas les mêmes causes qui l’ont engendrée, mais les effets sont les mêmes. Des HUMAINS qui affrontent d’autres HUMAINS, le feu a encore parlé sur cette île, que je croyais être mon dernier refuge. Je déteste cette violence. Je déteste toutes les violences. Il n’y a pas une violence qui serait acceptable, et une violence qui ne le serait pas.
    C’est là, le premier fruit de votre interpellation-cri.
    Il y en a un second.
    J’ai écrit moi-même même si c’est avec moins de puissance un texte il y a quelques temps. Je ne supporte plus les débats de gens (qui croient informer) alors qu’ils ne font que se mettre en scène, sur des scénarios dignes de série B américaines, s’ils n’étaient pas bien plus tragiques, que ces interrogations pour savoir si nous devons appeler ces héros mourant aux milieux des flots tempétueux, je cite : immigrants, émigrants, migrants, réfugiés etc. Je connais, enfin je crois connaître la définition de tous ces qualificatifs.
    Mais là, je n’en peux plus.
    Parfois, e suis obligé de me fermer les yeux et boucher les oreilles.
    Comme ces cris seraient mieux entendus si toutes les oreilles possibles étaient ouvertes.
    En tout cas, un immense merci pour ce très beau texte, incisif, percutant, conscient du moins pour le p’tit poète que je suis.
    Merci à Toi Mohamed de relayer avec cette sublime constance ce que nous écrivons, ce que nous voyons. Merci d’être ainsi une sorte de messager d’AMOUR de l’HUMANITE;

    Vive la Vie et vive TOI Patrick.
    Rémy.

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