Poème du jour no 28 :L’obscur : un poème de Lydia Chabert-dalix – poétesse française

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Lydia Chabert-dalix – poétesse française

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Au fond du gouffre je n’y vois goutte
La pente est douce, l’espoir dégouline
Des aspérités brisent, ça et là, quelques doutes.
Au-dessus de l’obscur, demeurent des dolines.
Sur lesquelles s’écorche le cœur des merles écrasés
Imprudents étourdis qui traversent nos goudrons !
Rouge flaque et plume noire sur les routes. Pulvérisés.
Je fais corps avec la caverne, deviens stalactite long et rond.
Petit Patapon survit sur les ailes d’un héron
Ne plus jamais bouger. Épuisée.
Ma chanson s’est éteinte, chandelle muette.

Lydia Chabert-Dalix

 

Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor :
Voici un poème bondé de symboles archétypaux dont la plupart se rattachent à la notion principale affichée dans le titre « L’obscur » qui indique la difficulté de voir la réalité externe ou le fond de soi-même ou les deux à la fois, le plus souvent à la suite d’une perte de repères. Le premier de ces symboles cités par la poétesse est le gouffre qui s’associe bien avec cette notion, du fait de son impressionnante profondeur et le manque total de visibilité en son intérieur, mais qui a, en plus, une signification spécifique ne faisant normalement d’aucune controverse : la sensation de néant qui engloutit tout sens de la vie et donne l’impression à l’individu que toutes ses actions ne mènent nulle part. Ce qui, n’est pas, en dépit de l’unanimité sur cette explication, le cas ici où la descente dans ce gouffre ne se fait pas sous la forme d’une chute mais d’un glissement doux sur une pente. Et cette sensation s’expliquerait par l’attraction vers le bas dont a parlé Freud et qui fait aimer à l’être humain le retour inconscient à la terre, la matière de laquelle il fut créé.
Un autre symbole non moins surprenant : celui de la caverne qui s’oppose de par sa forme horizontale au gouffre et dont la signification est , par contre, positive : la protection de l’être humain des dangers externes , ce qui l’assimile à la matrice de la mère où le bébé jouissait de sécurité avant son éjection vers le monde extérieur plein d’épines et d’embuches, lesquels sont représentés ici par cette image sanglante de merles « écrasés et « pulvérisés ». Et le résultat de cette vision de soi-même et du monde est une fuite en arrière et un repli sur soi que décrit bien cette auto-comparaison  à une stalactite (Je fais corps avec la caverne, deviens stalactite long et rond ).
Un poème psychologique concis et au sens très condensé, alliant profondeur et délicatesse du style.

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