Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 26–Les poèmes de Gaëtan Parisi : 26 -18 :: Graver ton nom

Gaëtan Parisi

 

Graver ton nom

Laisser une trace

Une griffe dans l’espace

Voilà la raison de mon pardon

 

Je veux que la terre se souvienne

Que ma chair a nourri ton sang

Que chaque goutte diluvienne

A coulé dans les sillons de mes chemins d’argent

 

Graver ton nom

Une crevasse aux mille mystères

Sur chaque pierre

De mon cimetière

 

Laisser une prière comme avenir

A réciter sur chaque strie

Qui flagelle mon souvenir

Comme les chants de ma patrie

 

J’ai savouré avec toi le grand souffle léger

J’ai digéré en toi la chaleur des étés

Quand les grands froids hurlaient les hivers

Quand tes caresses me transportaient en enfer

 

Graver ton nom

Sur chaque atome de poussière

Pour me noyer dans ton atmosphère

Te respirer

T’avaler

Te garder

Au plus profond de moi

 

Graver ton nom

Sur mon cœur

Pour vivre de ta cicatrice

Comme ultime bonheur

 

Nous avons  dit plus d’une fois dans nos commentaires précédents sur les poèmes de l’auteur  de ce texte que le côté le plus pertinent dans sa poésie au niveau sémantique est le côté psychologique et que le thème autour duquel tournent presque tous ses écrits est la rupture amoureuse et ses différentes répercussions sur sa psyché. Dans ce nouveau poème, il aborde un sous-thème  peu fréquent : l’idéalisation d’un amour malheureux. Et cela se constate dans le changement de fond en comble  de son comportement à l’égard de son chagrin d’amour. En effet , au lieu de se  laisser entraîner  dans un discours plaintif et langoureux suite à l’ébranlement des composantes affective et cognitive du Moi  par le choc de la rupture , il se livre , contre toute attente ,  à la sublimation de cet échec  , en dissociant son malheur de la personne qui le lui a causé et effaçant toute rancune à  son encontre. Et il le reconnaît expressément (Graver ton nom/ Laisser une trace/ Une griffe dans l’espace/ Voilà la raison de mon pardon ) . Mais un pardon, reconnaissons-le,  inhabituel dans un pareil cas où la haine et la vengeance sont les plus attendues. Et l’explication est très facile : l’image de l’être adoré s’est définitivement et profondément intériorisée dans l’âme du locuteur  par le biais de l’implant psychique (Graver ton nom/ Sur chaque atome de poussière/ Pour me noyer dans ton atmosphère/ Te respirer/ T’avaler/ Te garder au plus profond de moi) , aboutissant à une forme de masochisme : le plaisir dans la douleur  (Graver ton nom/ Sur mon cœur/ Pour vivre de ta cicatrice/ Comme ultime bonheur ).

Sur le plan stylistique, la poésie de cet auteur nous enchante, comme à l’accoutumée, par  ses sonorités très vives et le rythme très soutenu de ses mots (refrain : Graver ton nom – anaphore : J’ai / j’ai –quand / quand – te /te/ te – asyndète et accumulation : te respirer / t’avaler / te garder …) ainsi que par ses images surprenantes ( Graver ton nom sur chaque atome de poussière/ Pour me noyer dans ton atmosphère ).

 

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