Entretiens avec la poétesse syrienne Suzanne Ibrahim ( 2eme partie ) : l’écrivain doit être un messager d’amour , de paix et de changement

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la poétesse Suzanne Ibrahim

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*Ton écriture poétique repose, du point de vue stylistique, sur la chute surprenante et au niveau des thèmes sur l’expression de votre attitude à l’égard du Moi, de l’Autre et du monde. S’agit-il d’un choix résolu qui émane d’un arrière-fond intellectuel ou bien d’une simple tendance involontaire que vous ont imposée votre goût esthétique personnel et votre constitution psychique ?

**La langue du poète ne peut se dresser toute seule en tant qu’objet purement linguistique. Elle porte, au contraire, l’empreinte de sa conscience et de tout ce qui a fermenté dans son arrière-fond culturel…Moi personnellement, j’ai mon attitude et ma vision propres à l’égard de tout ce qui suscite en moi une réaction quelconque qu’il soit une pensée ou un événement ou un  fait de la vie quotidienne. Parfois, la poésie se présente à moi comme un état esthétique voltigeant très haut dans l’atmosphère de la contemplation et du mysticisme et parfois elle est la voix des opprimés, ou si vous voulez, elle est pareille à une main levant le veto contre tout ce qui se passe dans la réalité .En résume, il est inconcevable que tout ce que je dis dans mes poèmes soit involontaire .Il est plutôt le résultat naturel et inévitable de mes expériences dans l’arène de la vie. Et ce sont ces expériences ainsi que mes lectures et ma curiosité en matière de connaissance qui forment, en fin de compte, ma manière de goûter à la poésie et à la vie.

*Si j’ai lu tous les écrits poétiques que vous avez publiés sous forme de des recueils ou sur facebook, il n’en est pas de même pour vos nouvelles dont je n’ ai lu que peu et que je  lirai sans aucun doute prochainement . Ne voyez-vous pas que l’âme du poète diffère de celle de l’écrivain narrateur , étant donné que le premier est enclin à chasser les instants fugitifs tandis que le second dispose d’une matière événementielle et descriptive qui le tient attaché à la réalité vécue ? Comment arrivez-vous à concilier ces deux âmes ? Et en toute franchise, vous vous sentez poétesse en premier lieu ou le contraire ?

**La poésie et le récit sont deux des champs d’expression qui s’offrent au créateur .Et nous, les poètes et les écrivains ,  n’avons, à aucun moment, cessé de chercher de nouveaux médias pour exprimer nos douleurs et nos rêves…Dans la nouvelle, comme vous venez de le dire, on s’approche beaucoup de l’événement réaliste dont le traitement exige de la part de l’écrivain un procès raisonné pour observer la destinée de chaque personnage et veiller à l’interdépendance des événements ainsi qu’à la continuité du suspense. Ce qui est, dans la plupart de temps, un acte conscient et délibéré…Mais en poésie, les choses se passent un peu différemment, car ici flambent les incendies de l’émotion …et brille le cristal de la contemplation …Pour cette raison , l’idée dicte parfois à l’écrivain sa forme et son champ propre.J’ai fait l’expérience de la nouvelle et j’y ai écrit trois recueils mais j’ai senti à un certain moment que mon projet dans ce genre littéraire a épuisé toutes ses ressources. Ce qui m’a amenée à lui mettre, ne serait-ce que momentanément, un terme. pour débuter  en poésie en 2003 avec mon recueil intitulé Que la volonté du printemps soit faite !Puis après un autre court retour à la nouvelle, la poésie m’a prise d’assaut une nouvelle fois et ne m’a pas lâchée jusqu’à maintenant . Néanmoins, je puis dire que la poésie a toujours existé en moi même dans mes nouvelles, car je n’ai jamais cessé de recevoir le monde et tout ce qui m’entoure avec l’âme d’une poétesse .Oui je suis en premier lieu une poétesse.

*Votre voix a réussi à passer outre les barrières qui s’élèvent entre les deux cultures arabe et occidentale, avec la parution de votre recueil intitulé Mon cœur l’oiseau à Paris et l’arrivée de votre voix à de nouveaux lecteurs qui ne connaissent pas la langue arabe. La réalisation de ce pas ne vous impose-t-elle pas une nouvelle responsabilité ?

**L’écrivain rêve toujours de traverser les frontières nationales et régionales pour voltiger avec les ailes de ses idées et de ses poèmes – comme dans mon cas en tant que poétesse- dans un espace plus vaste et participer avec le verbe dans les dernières zones où fleurissent la paix et l’amour à la construction de ponts …ces ponts dont nous avons grandement besoin aujourd’hui , premièrement entre les deux rives de la Méditerranée , ensuite entre le Nord et le Sud et enfin entre l’Orient et l’Occident…Et là brille la traduction, du fait qu’elle est  la  première et la principale porteuse du projet  d’édification de ces ponts entre les peuples…car les lettres et les arts constituent ensemble la conscience des peuples …et lorsque nous les traduisons, nous découvrons les points communs humains entre les peuples de la terre …Mon bonheur est immense de voir mon recueil Mon cœur l’oiseau planer d’une rive à l’autre …tout en souhaitant que le goût de cet Autre lointain y trouve quelque chose qui susciterait son intérêt et son regard contemplatif ..Je répète encore une fois que l’écrivain fait partie de la conscience de l’humanité, du fait qu’il joue en même temps les rôles de sonde et de pince collectrice  sensibles et fins aussi bien à l’égard des gens que des idées et qu’il doit toujours et sans relâche être un messager d’amour , de paix et de changement .

Propos recueillis par :Naji Aloulou

 

 

3 commentaires

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    Mohamed Salah Ben Amor

    Ginama Saidani émoticône heart émoticône heart émoticône heart Beau partage

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    Belle entrevue !

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    Mohamed Salah Ben Amor

    الشاعرة الكندية كارول فريشيت : حوار جميل

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